Χριστόπουλος, Μενέλαος
https://docs.google.com/viewer?a=v&...40uMn7&sig=AHIEtbSKm4rIHKuM8AROd03vWVxrT5Ozlg
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Ménélaos Christopoulos, « Αὔλειος θύρα et cadre religieux », Kernos [En ligne], 19 | 2006, mis en ligne le 22 mars 2011, consulté le 09 juin 2012. URL :
http://kernos.revues.org/463 ; DOI : 10.4000/kernos.463
Αὔλειος θύρα and Religious
Context: Between the Public and the Private. This article tries to focus on certain particular aspects regarding the significance of the αὔλειος θύρα in the religious frame of the archaic and classical period relying on the textual evidence offered by three characteristic relevant passages: Herodotus’s Book 6, Pindar’s Nemean 1 and the Homeric hymnTo Hermes. By examining these texts one can fairly assume that through the transition from the “public space” to the “private place” and vice versa achieved by crossing the auleios thyra, an element of the public religious life enters the private home life and leaves again. In this transition, the sacred element of public religious life is transposed towards the private space of the individual and, in so doing, is appropriated by him/her. This private appropriation of the public religious context ends by providing a personal interest that is finally recognised and shown in public.
L’article étudie certaines particularités qui apparaissent dans le cadre religieux de l’époque archaique et classique, et qui sont associées à l’αὔλειος θύρα, à savoir le seuil qui sépare l’espace public de la cité et l’espace privé de la maison,dans trois textes représentatifs : le VIe livre d’Hérodote, la 1re Néméenne de Pindare et l’Hymne homérique à Hermès. L’étude des rencontres qui ont lieu devant l’auleios thyra conduisent à une transposition du sacré d’un espace à l’autre. Par l’auleios thyra, un élément de la vie religieuse publique pénètre dans l’espace privé et en ressort aussitôt. Pendant ce temps, à l’intérieur de l’espace privé, une procédure d’appropriation s’opère, seulement profitable pour l’individu et non pour la collectivité, mais qui est finalement reconnu et exploité en public.
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1Cet article a pour objet certaines particularités qui apparaissent dans le cadre religieux de l’époque archaïque et classique, et qui sont associées à l’αὔλειος θύρα, c’est-à-dire le seuil qui sépare l’espace public de la cité et l’espace privé de la maison, même si, dans le culte, le domaine du « privé » et le domaine du « public » sont souvent difficiles à discerner. Des particu*larités d’ordre mythographique, religieux ou cultuel touchant à l’auleios thyra sont présentes dans trois textes grecs sur lequels il convient de concentrer notre attention : le VIe livre d’Hérodote, la 1re Néméenne de Pindare et l’Hymne homérique à Hermès. L’analyse de ces textes sera précédée d’un rappel de certains témoignages, pour la plupart d’entre eux lexicographiques, qui précisent la position et la fonction de cette porte dont le rôle s’avère important pour la compréhension de certains récits qui restent, autrement, inexplicables.
1 Comm. ad Hom. Il. XII, 120; XVIII, 275. Voir, entre autres, S. Iakovides, Archaeologia Homerica E, (...)
2 D. Ogden, The Crooked Kings of Ancient Greece, London, 1997, p. 111; voir aussi C. Faraone, Talism (...)
2Dans l’épopée homérique, l’αὔλειος θύρα est toujours considérée comme le seuil qui sépare l’espace extérieur de l’espace intérieur : ceci s’affirme de façon très claire au chant XVIII (v. 239) de l’Odyssée, où est décrit le combat entre Ulysse et Iros, lorsque le corps de ce dernier, à l’issue du concours, est comparé à la position d’un homme ivre, étendu devant la porte de la cour (ἐπ’ αὐλείῃσι θύρῃσι); le chant XXIII (v. 49) va dans le même sens, lorsque, après la « Mnestérophonie », les corps des prétendants s’amoncellent devant l’auleios thyra pendant qu’Ulysse purifie l’intérieur de la maison en le sulfatant. Cette fonction de séparation entre espace extérieur (public) et espace intérieur (privé) est par la suite conservée tout au long de l’antiquité dans la plupart des témoignages lexicographiques qui définissent l’auleios thyra. Selon Eusthathe1, les θύραι sont les entrées des maisons, πύλαι sont les entrées des villes (cf. Σκαιαὶ πύλαι), et plus généralement, le lieu d’entrée dans la ville; la thyra correspond à la partie mobile, habituellement en bois, de l’entrée : πύλαι μὲν κατὰ συνήθειαν ὁμηρικὴν αὐτὸς ὁ τῆς εἰσόδου τόπος, σανίδες δὲ αἱ θύραι, ὀχεὺς δὲ ὁ μοχλός. Selon Harpocration (s.v. αὔλειος),l’entrée en question estἀπὸ τῆς ὁδοῦ πρώτη θύρα τῆς οἰκίας, tandisque Photius en fait un synonyme de πυλών. Il s’agit de la porte dont la sécurité est, selon les épigrammes « homériques », mieux gardée lorsque les chiens de la maison reçoivent leur nourriture à cet endroit (πρῶτον μὲν κυσὶ δειπνον ἐπ᾿ αὐλείῃσι θύρῃσι δοῦναι, XI, 2). L’importance de garder ou, du moins, de bien signaler ce seuil qui sépare l’espace privé et l’espace public est soulignée par la présence de statues; Hermès était le plus souvent représenté dans ce cadre. Le rôle attribué à ses statues était surtout protecteur et apotropaïque. D. Ogden2 estime que l’existence de ces statues est une habitude héritée de l’époque mycénienne et les compare aux statues qui étaient situées dans des niches spéciales aux entrées des citadelles mycéniennes.
3 Hérodote, VI, 61. Sur l’aspect divin d’Hélène, déjà évoqué dans l’épopée homérique (cf.Od. IV, 569 (...)
4 Dans le cas de la femme d’Agétos qui devient, par la suite, la femme d’Ariston, aussi bien que dan (...)
5 Voir E.I. McQueen, Herodotus. Book VI, Bristol, 2000, p. 150-151; W.W. How, J. Wells, A Commentary (...)
6 Hérodote, VI, 69 : ῏Ω παῖ, ἐπεί τέ με λιτῇσι μετέρχεαι εἰπεῖν τὴν ἀληθείην, πᾶν ἐς σὲ κατειρήσεται (...)
7 Hérodote, VI, 70 : τίκτουσι γὰρ γυναῖκες καὶ ἐννεάμηνα καὶ ἑπτάμηνα, καὶ οὐ πᾶσαι δέκα μῆνας ἐκτελ (...)
3Tel est le cadre dans lequel s’intègre l’étrange histoire racontée par Hérodote concernant la naissance du roi Spartiate Démaratus et le rôle qu’a joué dans cette naissance le hérôon d’Astrabacus, situé, d’après le texte d’Hérodote (VI, 69), παρὰ τῇσι θύρῃσι ταῖς αὐλείῃσι de la maison royale. Les faits se sont déroulés de la façon suivante : le roi de Sparte Ariston, deux fois marié et sans enfants, est tombé amoureux de la femme de son ami Agétos, une femme d’une grande beauté. Elle n’était pourtant pas née belle. Elle avait reçu cette beauté à un âge très tendre, lorsque sa nourrice, anxieuse de voir que la fillette était d’une laideur repoussante, avait jugé bon de la conduire au sanctuaire d’Hélène à Thérapné, espérant une intervention divine d’Hélène. Cette visite était devenue une habitude quotidienne. Un jour, à la sortie du sanctuaire, une femme apparut et, touchant la tête de l’enfant, prédit que la fille allait devenir la plus belle des filles spartiates3. La prophétie se révéla exacte. Profondément bouleversé par la beauté de cette femme, déjà épouse d’Agétos, Ariston réussit à obtenir de son ami qu’il lui cède lui-même sa femme : il l’avait en effet lié par un serment à autoriser, au nom de leur amitié, l’échange de toute possession qui serait mutuellement réclamée. Ainsi, lorsqu’Agétos se vit réclamer sa propre femme, il fut obligé de la céder à Ariston. Quand cette femme, la troisième d’Ariston, eut donné naissance à un fils et que la nouvelle fut annoncée à Ariston en présence des éphores, lui, calculant les mois, déclara que cet enfant ne pouvait être le sien. Mais, au cours du temps, il se mit à aimer l’enfant, le petit Démaratos, et en vint à le considérer comme son propre fils. Beaucoup plus tard, Démaratos, déjà roi, dut faire face à la rivalité de son collègue roi Cléomène qui cherchait à le détrôner. Cléomène aidé par Léotychide, ennemi personnel de Démaratos à cause des fiançaillles de Percallos, une autre femme belle et illustre que Démaratos avait enfin obtenue4, accusa Démaratos de bâtardise en évoquant le témoignage des éphores qui avaient assisté à la déclaration d’Ariston aux éphores. À la suite d’un oracle delphique, peut-être falsifié par Cléomène, Démaratos fut considéré de naissance non royale et fut détrôné. Désespéré par les railleries qu’il encaissait de ses adversaires qui l’accusaient d’être le fils d’un muletier (ὀνοφορβός), Démaratos rentra un jour chez lui, sacrifia un bœuf en l’honneur de Zeus Herkeios, protecteur de la maison, et conjura sa mère de lui dire la vérité sur son ascendance réelle. La réponse de la mère fut impressionnante et nous pouvons même la dater à l’appui d’autres témoignages : elle fut donnée à l’été 490 av. J.-C..5 La mère lui raconta que la nuit au cours de laquelle il fut conçu, elle avait été visitée par le spectre d’Ariston qui lui avait offert des couronnes et avait couché avec elle. Peu après, Ariston était rentré et, en voyant les couronnes, avait demandé qui les avait amenées; surprise, elle avait répondu qu’il les lui avait offertes peu avant, lorsqu’il avait couché avec elle. À l’incrédulité de son mari, la femme avait opposé la seule vérité qui lui était connue et, grâce à son insistance, Ariston s’était laissé convaincre qu’il s’agisait d’une intervention divine. Les devins s’étaient prononcés en confirmant l’authenticité de cette intervention miraculeuse et en déclarant que les couronnes en question provenaient bien du sanctuaire d’Astrabacus situé à côté de l’auleios thyra; il se confirmait ainsi qu’Astrabacus avait pris la forme d’Ariston pour coucher avec la femme de ce dernier6. « Telle est la vérité », avait conclu la mère de Démaratos, « car les femmes n’accouchent pas toujours après neuf mois, mais aussi après sept mois, et toi, mon fils, je t’ai mis au monde après une grossesse de sept mois. Quant aux muletiers », conclut-elle, « que les femmes de Léotychide et de ceux qui racontent tout ça, aillent enfanter avec eux »7.
4Démaratos, après avoir reçu ces explications et sans arriver à obtenir de Delphes un oracle différent, partit à Élis, puis, de là, à Zacynthos, et puis en Asie, à la cour du roi Darius, pour devenir le conseiller des Perses lors de leur deuxième expédition contre la Grèce.
5Les diverses interprétations de l’épisode d’Astrabacus, à savoir de l’intervention d’un être divin dont le sanctuaire est situé devant l’auleios thyra, dépendent des nombreux aspects du récit, aspects d’ordre politique, religieux et familial.
8 La forme ᾿Αστρόβακος transmise par certains manuscrits du texte d’Hérodote n’est généralement pas (...)
9 Paus., III, 16, 6 : πλησίον δὲ ᾿Αστραβάκου καλούμενόν ἐστι ἡρῶον; 9 : τοῦτο μὲν γὰρ ᾿Αστράβακος κα (...)
10 Les représentants du γένος des Agiades sont, dans l’ordre : Agis, Amphiclès, Amphisthène, Irbos, A (...)
11 McQueen, o.c. (n. 5), p. 152-153.
12 W. Burkert, « Demaratos, Astrabakos und Herakles », MH 22 (1965), p. 166-177.
13 S. Wide, Lakonische Kulte, Leipzig, 1893, p. 113, 115, 279-280; voir aussi E. Rohde, Psyche, Freib (...)
14 Soit du mot ἀλώπηξ-εκος, soit du mot ἀλωπεκίς qui dénote une race de chien de chasse. Voir A. Seeb (...)
15 Cf. Hésychius, s.v.ἀστράβη· τὸ ἐπὶ τῶν ἵππων ξύλον, ὃ κρατοῦσιν καθεζόμενοι, τίθεται δὲ καὶ ἐπὶ τῶν (...)
16 Κέλητα καὶ χαλινὸν πρῶτος Βελλερεφόντης κατέζευξε, συνωρίδα Κάστωρ, ἅρμα ᾿Εριχθόνιος…, ἀστράβην ᾿Οξ (...)
17 Seeberg, o.c. (n. 14), p. 53-54, 57-64.
18 Ogden, o.c. (n. 2), p. 111-113.
19 C’est notamment le cas du « vase François » (Florence, Museo Archeologico, 4209) daté vers 570 av. (...)
20 D. Ogden, Greek Bastardy, Oxford, 1996, p. 234, 256-262.
6Étudions d’abord l’identité d’Astrabacus8. C’est un héros spartiate dont, à part Hérodote, le sanctuaire est mentionné par Pausanias9 qui le situe près du tombeau de Théopompos et d’Eurybiade, près du temple de Lycurgue et, aussi, près du sanctuaire d’Artémis Orthia. Selon Pausanias, la statue d’Orthia est le xoanon légendaire amené par Iphigénie et Oreste de Tauride. Astrabacus et son frère Alopékos étaient ceux qui avaient découvert le xoanon d’Artémis et qui furent aussitôt frappés de folie. Astrabacus et Alopékos descendent d’Agis, le chef du génos des Agiades10. Le fait qu’un héros de la famille des Agiades (à savoir Astrabacus) s’intercale dans la lignée généalogique de la famille des Eurypontides (à savoir celle de Démaratos), familles traditionnellement rivales, comme le précise McQueen11, donne déjà un caractère politique et public à une activité nettement privée qui s’opère dans l’oikos. Ce caractère politique est d’ailleurs souligné par le fait que, comme Burkert12 l’a noté, pour cette « interpolation » généalogique, on ne choisit pas un grand dieu ou un héros illustre, comme Héraclès, mais un héros local par excellence, un héros spartiate, Astrabacus, que Wide13 avait déjà considéré comme un ἥρωςἐπὶ προθύρῳtypique. Ce héros a pourtant des traits très précis. Si le nom de son frère, Alopékos, renvoie au renard ou à une certaine race de chien14, le nom d’Astrabacus s’associe à un ensemble de rapports sémantiques qui correspondent tous à un autre animal, le mulet. La plupart des chercheurs associent l’étymologie du nom au mot ἀστράβη qui signifie selle de mule avec dossier, mule bien sellée et par extention tout animal qu’on monte, en particulier le mulet15; d’après une scolie au vers 10 de la 5e Pythique de Pindare, l’inventeur de l’astrabé était un muletier légendaire Oxylos16. Astrabacus semble donc être le protecteur des muletiers et c’est là qu’il faudrait chercher l’explication de la raillerie adressée contre Démaratos par ses adversaires, selon laquelle il était le fils du muletier. L’explication proposée par la mère de Démaratos renverse, même a posteriori, cette accusation qui, probablement, s’appuyait sur l’exégèse des devins. Il est indéniable que le rôle joué par Astrabacus a directement à voir avec la reproduction, mais la représentation d’Astrabacus faisait-elle allusion à cette fonction ? Astrabacus était-il un héros à représentation ithyphallique ? Seeberg17 et Ogden18 répondent par l’affirmative et ils rapprochent même l’histoire d’Astrabacus, héros étroitement lié aux mulets, des représentations d’autres dieux et héros, tels que Dionysos ou Héphaistos, représentés souvent sur des mulets ou des ânes en érection19. Ogden pense que les représentations ithyphalliques des démons tels qu’Astrabacus et Hermès ont comme but d’assurer la légitimité des descendants de la maison, de décourager, en quelque sorte, l’intrusion de concubins extérieurs. D’autre part, il estime20 que l’on peut détecter, dans l’histoire de la naissance de Démaratos, l’idée d’une insémination conjointe, à savoir l’idée que deux hommes pouvaient devenir les pères d’un même enfant s’ils mélangeaient leur sperme dans le sein de la même femme. On aurait peut-être du mal à suivre cette idée jusqu’au bout et y déceler la référence à un mariage sacré. Toutefois, je pense que l’histoire d’Astrabacus prend une valeur bien spéciale à Sparte pour des raisons plutôt historiques ou, du moins, historico-religieuses. Tout d’abord, le régime de la double royauté faisait naître la question de savoir lequel des deux roi avait la plus grande autorité en cas de désaccord. Ensuite, le cadre législatif tolérait la possibilité d’avoir des enfants de concubins différents, ce qui pouvait poser des problèmes lorsque la légitimité de la naissance était exigée. Enfin, dans le contexte religieux de la Laconie, l’insémination de Léda par Tyndare et par Zeus (dont naquirent Hélène et Clytemnestre, Castor et Pollux, alibi mythique archétypal pour le régime de la double royauté) posait déjà au substrat mythique du culte spartiate la question des conséquences que pouvait engendrer une double paternité.
21 Aristote (Génération des animaux II, 80, 748b 15-19) considère cette union παρὰ φύσιν, en raison d (...)
22 Hdt, I, 55 : ἐπειρώτα δὲ(= Crésus)τάδε χρηστηριαζόμενος…, ἡ δὲ Πυθίη… χρᾷ τάδε· ἀλλ᾿ ὅταν ἡμίονος β (...)
7L’Astrabacus du récit hérodotien, quittant l’espace public du cadre religieux, pénètre par l’auleios thyra dans la partie privée par excellence de la maison, la matrice même de la reine, pour obtenir – au profit de Démaratos – la légitimité de ce dernier sur le plan privé et assurer sa double ascendance royale sur le plan public. Pourquoi ceci devait-il se faire à l’aide d’un héros-muletier ? Je pense qu’on peut détecter une idée latente qui n’a pas jusqu’ici été mise en valeur, bien qu’Hérodote l’utilise une autre fois, dans le contexte d’un oracle delphique. Il s’agit de l’histoire de Crésus, là aussi dans le cas d’une origine ambivalente. Cette idée est liée à la nature hybridique du mulet qui, sans pouvoir se reproduire lui-même, descend de deux animaux, l’âne et le cheval21. Hérodote rapporte22 l’oracle donné par Pythie à Crésus, selon lequel il devrait faire marche arrière « lorsqu’un mulet deviendrait roi des Mèdes » (ὅταν ἡμίονος βασιλεὺς Μήδοισι γένηται); ce « mulet » était Cyrus qui avait une double ascendance, médique par sa mère, perse par son père. Il est possible que, dans un contexte légèrement différent, cette métaphore assume une signification analogue. Dans une revendication de descendance royale légitime comme celle de Démaratos, qui est traité de bâtard, avec la présence du mulet tant dans l’accusation de ses adversaires que dans l’explication théophanique de la mère, l’idée du mulet fonctionne, sur un second plan, en introduisant et, en même temps, en exorcisant l’idée de la bâtardise, puisqu’Astrabacus, prudemment, apparaît sous la forme de l’époux légitime, Ariston, pour assurer une double origine ou, mieux encore, une origine alternative à Démaratos.
23 Voir Ogden, o.c. (n. 20), p. 234-237.
24 Ném. 5. 41-42 :οἰχθεισᾶν πυλᾶν ἐς θαλάμου μυχὸν ἔβαν.
25 Sur les rapports étroits entre κῶμος et παρακλαυσίθυρον voir déjà F.O. Copley, « On the Origin of (...)
26 Le thème des couronnes, en tant que don d’amour est, bien entendu, très fréquent; on se souvient, (...)
27 Hymne hom. Hermès, 24-28. Voir l’édition commentée de T.W. Allen, W.R. Halliday, E.E. Sykes, The Ho (...)
8Lorsque on se penche sur le cycle mythique d’Héraclès, on retrouve le thème de la double origine du héros, selon le récit bien connu de la substitution de Zeus à Amphitryon pour s’unir à Alcmène. Les analogies sont nombreuses entre l’histoire d’Astrabacus et celle d’Amphitryon23. Pourtant, un détail auquel on n’a pas été jusqu’ici très sensible est, précisément, la présence de l’auleios thyra dans un récit qui évoque cette histoire. Il s’agit d’une comparaison étonnante que propose Pindare dans la 5e Néméenne, où il honore la victoire de Chromios, homme puissant de Sicile, très proche d’Hieron. En chantant la victoire des chevaux de Chromios aux Jeux néméens, Pindare compare Chromios à Héraclès, le plus kallinikos de tous les héros, et choisit comme narration mythique la victoire du petit Héraclès sur les serpents envoyés contre lui par Héra juste après la naissance d’Héraclès. Dans le récit de Pindare (selon lequel Alcmène vient justement d’accoucher), les serpents pénètrent par les πύλαι de la maison jusqu’auμυχός du θάλαμος24. Amphitryon, l’épée à la main, arrive (ἵκετο, 53), on ne sait d’où, pour trouver les serpents déjà morts de la main de l’enfant; admiratif, il s’arrête devant la chambre, plein de joie et d’angoisse (ἔστα δὲ θάμβει δυσφόρῳ / τερπνῷ τε μειχθεὶς, 55-56). Dans une correspondance métrique et strophique absolue par rapport à cette phrase, Pindare déclare (v. 19-20) qu’il s’est arrêté lui-même devant l’auleios thyra de la maison de Chromios en chantant un beau chant (c’est, bien entendu, le chant qui décrit l’histoire d’Héraclès et l’arrivée d’Amphi*tryon) : ἔσταν δ᾿ ἐπ᾿ αὐλείαις θύραις / ἀνδρὸς φιλοξείνου καλὰ μελπόμενος. Ici l’usage de l’auleios thyra évoque une autre idée : l’idée du « mariage » du vainqueur avec la victoire, un mariage qui fait du chant devant la porte du vainqueur un épithalame. Le thème de la musique qu’on entend devant la porte de la maison renvoie tout naturellement au κῶμος et au παρα*κλαυσίθυρον (θυροκοπικόν, κρουσίθυρον), à savoir le chant nocturne des κωμασταί25 qui chantent debout, pleins d’amour devant la porte de la bien-aimée oudu bien-aimé, en portant des couronnes26. En cherchant, donc, la signification cultuelle de cette entrée importante de la maison, il nous reste à examiner encore une rencontre devant l’auleios thyra, rencontre chargée d’une étonnante polysémie puisqu’elle implique à la fois l’élément de la musique, l’élément du banquet, l’élément apotropaïque et, de façon indirecte, l’élément ithyphallique : il s’agit de la rencontre d’Hermès avec la tortue qui a servi au dieu pour la construction de la lyre; d’après l’Hymne homérique à Hermès, cet « acte de naissance » de l’art lyrique a lieu, lui aussi, devant l’auleios thyra27 :
ἔνθα χέλυν εὑρὼν ἐκτήσατο μυρίον ὄλβον·
῾Ερμῆς τοι πρώτιστα χέλυν τεκτήνατ᾿ ἀοιδόν,
ἥ ῥά οἱ ἀντεβόλησεν ἐπ᾿ αὐλείῃσι θύρῃσι
βοσκομένη προπάροιθε δόμων ἐριθηλέα ποίην,
σαῦλα ποσὶ βαίνουσα·
28 Parmi les traits qui sont plaisamment attribués à la tortue juste avant son entrée dans la demeure (...)
29 Cf. v. 167-169 : οὐδὲ… νῶϊ μετ᾿ ἀθανάτοισιν ἀδώρητοι καὶ ἄλιστοι/ αὐτοῦ τῇδε μένοντες ἀνεξόμεθα, 17 (...)
30 L’idée qu’on se fait en général d’Hermès en le considérant comme « l’inventeur de la lyre » ne tro (...)
9Dans le style plaisant de ce texte, il paraît normal que, puisque la tortue (χέλυς, synonyme de la lyre) rencontre Hermès devant l’auleios thyra de sa demeure, Hermès l’oblige à chanter comme si elle était elle-même un κωμαστής, puisque, de toute façon, son projet immédiat est de faire d’elle une partie de sa lyre. Ainsi, du corps d’un animal particulièrement silencieux, on entendra un son particulièrement fort (ἢν δὲ θάνῃς τότε κεν μάλιστα καλὸν ἀοίδοις, 38) et c’est dans cette perspective qu’Hermès appelle d’avance la tortue « celle qui rythme la danse, compagne des festins (χοροτύπε, δαιτὸς ἑταίρη, 31) et évoque, par la suite, la présence de la la tortue-lyre au banquet, à la danse et au κῶμος (εἰς δαῖτα θάλειαν καὶ χορὸν ἱμερόεντα καὶ φιλοκυδέα κῶμον, 480-481). Pourtant, la transformation va plus loin28. Dans le texte, la rencontre d’Hermès avec la tortue est définie par rapport au lieu et par rapport au temps. En citant plaisamment un vers d’Hésiode («on est mieux chez soi, dehors on se ruine », οἴκοι βέλτερον εἶναι ἐπεὶ βλαβερὸν τὸ θύρηφιν, v. 36 = Trav. & Jours, 365), le poète de l’hymne insiste sur le rapport dehors-dedans du mouvement de la tortue, de l’espace extérieur vers l’espace intérieur, en tant qu’animal, et de l’espace intérieur vers l’espace extérieur, en tant qu’instrument. Quant à l’idée du temps, elle est, entre autres, introduite par le rappel de la lenteur de la tortue (σαῦλα ποσὶ βαίνουσα, 28). Dans un renversement caractéristique du style du poème, au lieu que le dieu rapide par excellence rencontre lui-même la tortue, le texte insiste sur le fait que c’est elle qui l’a rencontré. Le texte nous offre ainsi la clé de l’interprétation de ce passage qui situe la rencontre de la tortue avec Hermès là où on s’attend à le rencontrer, devant l’auleios thyra de sa demeure, là où se trouvaient justement les statues d’Hermès, protectrices et ithyphalliques. La rencontre avec la tortue a permis à Hermès de réaliser son désir initial, exprimé dès le début du poème : obtenir honneur et gloire parmi les autres dieux29. De son côté, la tortue passe de l’appartenance à un culte de magie clairement et verbalement évoqué par Hermès (γὰρ ἐπηλυσίης πολυπήμονος ἔσσεαι ἔχμα) au culte lié à la musique, culte doublement prolifique, permettant, à long terme, l’expansion de l’art d’Apollon qui va récupérer la lyre et, à court terme, l’enrichissement d’Hermès : dès qu’elle franchit le seuil de ce dernier, la tortue se transforme en caisse de résonance de la lyre30 et devient un objet premièrement utile (cf. ἐκτήσατο μυρίον ὄλβον, 24, σύμβολον...ὀνήσιμον, 30, ὄφελός τί μοι ἔσσῃ, οὐδ’ ἀποτιμήσω· σύ δέ με πρώτιστον ὀνήσεις, 34-35), un objet d’échange qui conduira Hermès à la reconnaissance publique de ses talents, reconnaissance ardemment poursuivie et habilement obtenue le jour même de sa propre naissance.
10Si l’on rassemble les données repérées à travers ce bref parcours, il y a tout d’abord l’évidence que l’auleios thyra de la maison est le lieu qui sépare – ou joint – le « privé » et le « public ». Ensuite, il est caractéristique que les rencontres religieuses liées à ce seuil, que ce soit dans le cadre du culte d’Hermès, dans le contexte du chant de gloire devant la porte d’un vainqueur, ou dans le culte héroique d’Astrabacus, le sacré est transposé d’un espace à l’autre. Par l’auleios thyra, un élément de la vie religieuse publique pénètre dans l’espace privé pour en ressortir aussitôt. Mais pendant ce temps, s’opère, à l’intérieur de l’espace privé, une procédure d’appropriation, bénéfique pour l’individu seul et non pour la collectivité. Par cette appropriation individuelle de l’élément religieux public, l’individu parvient à acquérir un intérêt personnel – descendance héroique ou légitime dans le cas de Démaratos, accroissement du pouvoir politique d’un vainqueur célébré dans le cas de Chromios, valorisation sociale et « titres » d’échange à travers la lyre dans le cas d’Hermès – et cet intérêt personnel est reconnu ou exploité en public.
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Notes
1 Comm. ad Hom. Il. XII, 120; XVIII, 275. Voir, entre autres, S. Iakovides, Archaeologia Homerica E, Göttingen, 1977, p. 170 sq.; A.W. Laurence, Greek Aims in Fortification, Oxford, 1979, p. 246-262.
2 D. Ogden, The Crooked Kings of Ancient Greece, London, 1997, p. 111; voir aussi C. Faraone, Talismans and Trojan Horses. Guardian Statues in Ancient Greek Myth and Ritual, New York / Oxford 1992, p. 3, 7, 9-10, 13 n. 7.
3 Hérodote, VI, 61. Sur l’aspect divin d’Hélène, déjà évoqué dans l’épopée homérique (cf.Od. IV, 569), voir en particulier L.L. Clader, Helen. The Evolution from Divine to Heroic in Greek Epic Tradition, Leiden, 1978; voir aussi, entre autres, T.W. Boyd, « Recognizing Helen », ICS 23 (1998), I. Kakridis, « Problems of the Homeric Helen », in Homer Revisited, Lund, 1971, p. 25-53; J. Lindsay, Helen of Troy: Woman and Goddess, London, 1974; O. Skutsch, « Helen, her Name and Nature », JHS 107 (1987), p. 188-192; M. Suzuki, Metamorphoses of Helen, Authority, Difference and the Epic, Ithaca / New York, 1989; V.J. Wohl, « Standing by the Stathmos: Sexual Ideology in the Odyssey », Arethusa 26 (1993), p. 19-50; N. Zagazi, « Helen of Troy: Encomium and Apology », WS 19 (1985), p. 63-88.
4 Dans le cas de la femme d’Agétos qui devient, par la suite, la femme d’Ariston, aussi bien que dans le cas de Percallos (dont le nom même désigne la beauté extrême) qui devient l’objet de la querelle entre Cléomène et Démaratos, il est intéressant de détecter le recours à un thème sous-jacent, celui de la revendication ou de l’appropriation d’une femme très belle déjà mariée à un autre homme; ceci est plus important à constater particulièrement dans le cadre de la Laconie où le mythe d’Hélène, liée par excellence à une telle revendication, joue un rôle primordial et ce n’est peut-être pas un hasard si l’octroi de la beauté de la femme d’Agétos est attribué à l’intervention directe d’Hélène.
5 Voir E.I. McQueen, Herodotus. Book VI, Bristol, 2000, p. 150-151; W.W. How, J. Wells, A Commentary on Herodotus, Oxford, 1928, vol. II, p. 90.
6 Hérodote, VI, 69 : ῏Ω παῖ, ἐπεί τέ με λιτῇσι μετέρχεαι εἰπεῖν τὴν ἀληθείην, πᾶν ἐς σὲ κατειρήσεται τὠληθές. ὥς με ήγάγετο ᾿Αρίστων ἐς ἑωυτοῦ, νυκτὶ τρίτῃ ἀπὸ τῆς πρώτης ἦλθέ μοι φάσμα εἰδόμενον ᾿Αρίστωνι, συνευνηθὲν δὲ τοὺς στεφάνους τοὺς εἶχε ἐμοὶ περιετίθεε. καὶ τὸ μὲν οἰχώκεε, ἧκε δὲ μετὰ ταῦτα ᾿Αρίστων. ὡς δέ με εἶδεν ἔχουσαν στεφάνους, εἰρώτα τίς εἴη ὅ μοι δούς· ἐγὼ δὲ ἐφάμην ἐκεῖνον· ὁ δὲ οὐκ ἐπεδέκετο· ἐγὼ δὲ κατωμνύμην, φαμένη αὐτὸν οὐ ποιέειν καλῶς ἀπαρνεόμενον· ὀλίγῳ γάρ τοι πρότερον ἐλθόντα καὶ συνευνηθέντα δοῦναί μοι τοὺς στεφάνους…. καὶ τοῦτο μὲν οἱ στέφανοι ἐφάνησαν ἐόντες ἐκ τοῦ ἡρωίου τοῦ παρὰ τῇσι θύρῃσι τῇσι αὐλείῃσι ἱδρυμένου, τὸ καλέουσι ᾿Αστροβάκου, τοῦτο δὲ οἱ μάντιες τὸν αὐτὸν τοῦτον ἥρωα ἀναίρεον εἶναι… ἢ γὰρ ἐκ τοῦ ἥρωος τούτου γέγονας, καί τοι πατήρ ἐστι ᾿Αστρόβακος ὁ ἥρως ἢ ᾿Αρίστων· ἐν γὰρ σε τῇ νυκτὶ ταύτῃ ἀναιρέομαι.
7 Hérodote, VI, 70 : τίκτουσι γὰρ γυναῖκες καὶ ἐννεάμηνα καὶ ἑπτάμηνα, καὶ οὐ πᾶσαι δέκα μῆνας ἐκτελέσασαι· ἐγὼ δὲ σέ, ὧ παῖ, ἑπτάμηνον ἔτεκον... ἐκ δὲ ὀνοφορβῶν αὐτῷ τε Λεωτυχίδῃ καὶ τοῖσι ταῦτα λέγουσι τίκτοιεν αἱ γυναῖκες παῖδας.Cf. Hippocrate, 447 (Kuhn) :τίκτειν καὶ ἑπτάμηνα καὶ ὀκτάμηνα καὶ ἐννεάμηνα καὶ δεκάμηνα καὶ ἐνδεκάμηνα, καὶ τούτων τὰ ὀκτάμηνα οὐ περιγίγνεσθαι. Selon W.W. How et J. Wells (o.c. [n. 5], vol. II, p. 91), l’idée largement répandue que les enfants nés après huit mois de grossesse sont plus vulnérables et ne survivent pas, pourrait être la raison pour laquelle le cas des ὀκτάμηνα n’est pas évoqué par la mère de Démaratus. Quant à l’usage du mot ὀνοφορβός (ὄνος - φέρβω), litéralement « pâtre d’ânes » et, par extention, « muletier », How et Wells (p. 90-91) tendent à l’associer à une allusion malicieuse et délibérée au héro Astrabacus, protecteur des muletiers : « Malicious rationalism turned the muleteer’s god Astrabacus into a muleteer ». Cf. aussi E. McQueen. o.c. (n. 5), p. 151 : «ὀνοφορβόν : ass keeper, muleteer, stableman. »
8 La forme ᾿Αστρόβακος transmise par certains manuscrits du texte d’Hérodote n’est généralement pas adoptée. Pausanias (III, 16, 6 et 9) et Clément d’Alexandrie (Protrept. II, 40, 2) écrivent ᾿Αστρόβακος.
9 Paus., III, 16, 6 : πλησίον δὲ ᾿Αστραβάκου καλούμενόν ἐστι ἡρῶον; 9 : τοῦτο μὲν γὰρ ᾿Αστράβακος καὶ ᾿Αλώπεκος οἰ ῎Ιρβου τοῦ Άμφισθένους τοῦ ᾿Αμφικλέους τοῦ ῎Αγιδος τὸ ἄγαλμα εὑρόντες αὐτίκα παρεφρόνησαν.Cf. Clém. Alex., Protr. II, 40, 2 :κατὰ πόλεις δαίμονας ἐπιχωρίους, τιμὴν ἐπιδρεπομένους· παρὰ Κυθνίοις Μενέδημον· παρὰ Τηνίοις Καλλισταγόραν· παρὰ Δηλίοις ῎Ανιον· παρὰ Λάκωσι ᾿Αστράβακον.
10 Les représentants du γένος des Agiades sont, dans l’ordre : Agis, Amphiclès, Amphisthène, Irbos, Astrabacus et Alopékos.
11 McQueen, o.c. (n. 5), p. 152-153.
12 W. Burkert, « Demaratos, Astrabakos und Herakles », MH 22 (1965), p. 166-177.
13 S. Wide, Lakonische Kulte, Leipzig, 1893, p. 113, 115, 279-280; voir aussi E. Rohde, Psyche, Freiburg / Leipzig, 1894, p. 184-185.
14 Soit du mot ἀλώπηξ-εκος, soit du mot ἀλωπεκίς qui dénote une race de chien de chasse. Voir A. Seeberg, « Astrabica (Herodotus VI. 68-69) », SO 41 (1966), p. 48-74, où il est rappelé que le mulet et l’ ἀλωπεκίς sont, tous deux, les types de bêtes hybrides; voir aussi Burkert, l.c. (n. 12), n. 23, et p. 170-171 où il suggère le rapprochement du nom avec le culte d’Artémis Orthia et le rite de la flagellation lié par Hésychius au mot φουάξιρ (ἐπὶ τῆς χώρας σωμασκία τῶν μελλόντων μαστιγοῦσθαι. φουάδδει· σωμασκεῖ. φοῦαι· ἀλώπεκες). Voir aussi Ogden, o.c. (n. 2), p. 111-113.
15 Cf. Hésychius, s.v.ἀστράβη· τὸ ἐπὶ τῶν ἵππων ξύλον, ὃ κρατοῦσιν καθεζόμενοι, τίθεται δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἀναβατικῶν ὄνων. οἱ δὲ κατὰ τὸ πλειστον μὲν τὴν σωματηγὸν ἡμίονον οὕτως ἔλεγον· ἐνίοτε δὲ πάντα ἁπλῶς τὰ σωματηγοῦντα ὑποζύγια. Le mot ἀστραβικά caractérise aussi les chants des pâtres dont l’irruption dispersait les chœurs des jeunes filles qui chantaient en l’honneur d’Artémis à Caryai; selon Burkert, l.c. (n. 12), p.171 et n. 21, et Seeberg, o.c. (n. 14), p. 49, c’est encore une indication qui rapproche Astrabacus du culte d’Artémis.
16 Κέλητα καὶ χαλινὸν πρῶτος Βελλερεφόντης κατέζευξε, συνωρίδα Κάστωρ, ἅρμα ᾿Εριχθόνιος…, ἀστράβην ᾿Οξύλος ὁ Αἰτωλός.
17 Seeberg, o.c. (n. 14), p. 53-54, 57-64.
18 Ogden, o.c. (n. 2), p. 111-113.
19 C’est notamment le cas du « vase François » (Florence, Museo Archeologico, 4209) daté vers 570 av. J.C. Pour des représentations analogues provenant particulièrement de la Laconie, voir B.B. Shefton, « Three Laconian Vase-painters », ABSA 59 (1954), p. 299.
20 D. Ogden, Greek Bastardy, Oxford, 1996, p. 234, 256-262.
21 Aristote (Génération des animaux II, 80, 748b 15-19) considère cette union παρὰ φύσιν, en raison de la stérilité du mulet. Voir sur ce point S. Georgoudi, Des chevaux et des bœufs dans le monde grec. Réalités et représentations animalières à partir des livres XVI et XVII des Géoponiques, Paris / Athènes, 1990, p. 200-201.
22 Hdt, I, 55 : ἐπειρώτα δὲ(= Crésus)τάδε χρηστηριαζόμενος…, ἡ δὲ Πυθίη… χρᾷ τάδε· ἀλλ᾿ ὅταν ἡμίονος βασιλεὺς Μήδοισι γένηται,καὶ τότε, Λυδὲ ποδαβρέ, πολυψήφιδα παρ᾿ ῞Ερμονφεύγειν μηδὲ μένειν; I, 99 : ᾧ … χρηστηριαζομένῳ εἶπε {τὰ εἶπε} Λοξίης περὶ ἡμιόνου, ... ἦν γὰρ δὴ ὁ Κῦρος οὗτος μίονος· ἐκ γὰρ δυῶν οὐκ ὁμοεθνέων ἐγεγόνεε, μητρὸς ἀμείμονος, πατρὸς δὲ ὑποδεεστέρου· ἡ μὲν γὰρ ἦν Μηδὶς καὶ ᾿Αστυάγεος θυγάτηρ τοῦ Μήδων βασιλέως, ὁ δὲ Πέρσης.
23 Voir Ogden, o.c. (n. 20), p. 234-237.
24 Ném. 5. 41-42 :οἰχθεισᾶν πυλᾶν ἐς θαλάμου μυχὸν ἔβαν.
25 Sur les rapports étroits entre κῶμος et παρακλαυσίθυρον voir déjà F.O. Copley, « On the Origin of Certain Features of the Paraclausithyron », TAPhA 73 (1942), p. 96-107.
26 Le thème des couronnes, en tant que don d’amour est, bien entendu, très fréquent; on se souvient, d’ailleurs, de l’importance du thème dans l’histoire d’Astrabacus.
27 Hymne hom. Hermès, 24-28. Voir l’édition commentée de T.W. Allen, W.R. Halliday, E.E. Sykes, The Homeric Hymns, Oxford, 1936, de F. Cassola, Inni Omerici, Milano, 1975, et les analyses de E.K. Borthwick, « The Riddle of the Tortoise and the Lyre », Music and Letters 51 (1970), p. 373-387; J.S. Clay, The Politics of Olympus: Form and Meaning in the Major Homeric Hynmns, Princeton, 1989, en particulier p. 95-151; M. Dobson, « Herodotus 1.47.1 and the Hymn to Hermes; a Solution to the Test Oracle », AJPh 100 (1979), p. 349-359; T. Hägg, « Hermes and the Invention of the Lyre: An Unorthodox Version », SO 64 (1989), p. 36-73; W. Huebner, « Hermes als musischer Gott. Das Problem der dichterischen Wahrheit in seinem homerischen Hymnos », Philologus 130 (1986), p. 153-174; L. Kahn, Hermès passe ou les ambiguités de la communication, Paris, 1978; M. Kaimio, « Music in the Homeric Hymn to Hermes », Arctos 8 (1974), p. 29-42; S.C. Shelmerdine, « Hermes and the Tortoise. A Prelude to the Cult », GRBS 25 (1984), p. 201-208.
28 Parmi les traits qui sont plaisamment attribués à la tortue juste avant son entrée dans la demeure d’Hermès, on trouve ceux qui désignent non seulement la future fonction de la lyre mais aussi ceux qui, par le vocabulaire employé par Hermès insinuent, en même temps, une certaine « féminité » : φυὴν ἐρόεσσα, χοροτύπε, δαιτὸς ἑταίρη, ἀσπασίη προφανεισα. Ce sont ces traits aussi qui vont se transmuter par la transformation mortelle de la tortue, tout en gardant leur aspect utilitaire qui sera largement mis en valeur par le futur destin lyrique de la tortue.
29 Cf. v. 167-169 : οὐδὲ… νῶϊ μετ᾿ ἀθανάτοισιν ἀδώρητοι καὶ ἄλιστοι/ αὐτοῦ τῇδε μένοντες ἀνεξόμεθα, 172-173 : ἀμφὶ δὲ τιμῆς κἀγὼ τῆς ὁσίης ἐπιβήσομαι ἧς περ ᾿Απόλλων.
30 L’idée qu’on se fait en général d’Hermès en le considérant comme « l’inventeur de la lyre » ne trouve pas d’appui dans le texte. Ce qu’invente Hermès est, en réalité, la caisse de résonance et pas l’instrument à cordes dans son ensemble; le texte précise d’ailleurs (v. 51) qu’il connaissait déjà les cordes lorsqu’il a construit la lyre : ἑπτὰ δὲ συμφώνους ὀΐων ἐτανύσσατο χορδάς.
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